En lutte olympique, Isabelle Sambou n’avait tout simplement pas d’égale sur le plan Africain. Elle y a régné en maîtresse dans son art. Neuf (9) fois championne d’Afrique, elle a accroché la 4e place et la 5e, respectivement, aux Jeux olympiques (J.O) de Londres 2012 et de Rio 2016. Face à ses adversaires sur le ring, la native du Cassa (Oussouye) ne voyait que la victoire.
La lutte est le sport national au Sénégal et est principalement associée aux hommes. L’objectif est de prouver la virilité et de faire honneur à son village. La plupart des régions du Sénégal désapprouvent la lutte féminine. Beaucoup y voient quelque chose qui en fait «transformerait les femmes en hommes» et aussi, la garantie qu’elles n’auront pas de mari. Les anthropologues expliquent que la lutte féminine au Sénégal a commencé dans les années 1400 lorsque la cour royale d’Oussouye a publié un décret selon lequel certaines femmes pouvaient montrer leurs compétences lors des festivals pendant lesquels la lutte est pratiquée.
Une aubaine pour les femmes
Dès lors, la lutte est devenue un moyen pour les lutteuses de prouver leur féminité. S’appuyant sur cette tradition, les villages de la région d’Oussouye sont associés à la lutte féminine et sont la source principale de recrues pour l’équipe nationale de lutte féminine du Sénégal.
L’équipe nationale de lutte féminine du Sénégal assiste au Festival du roi d’Oussouye, au cours duquel les lutteuses montrent leurs prouesses. C’est lors d’un tel festival qu’Isabelle Sambou a été découverte et recrutée. Elle faisait preuve de promesse et de force, un compliment qu’on lui avait fait depuis son enfance de lutte pour s’amuser avec les garçons et les filles.
Le dicton «il faut un village pour élever un enfant» s’applique spécialement à Sambou, qui était une orpheline que les femmes de son village ont pris sur elles d’élever. Elle a grandi et a travaillé comme femme de ménage et nounou jusqu’à ce qu’elle soit recrutée dans l’équipe nationale de lutte féminine sénégalaise. C’était une récompense pour sa ténacité et sa force alors qu’elle continuait à pratiquer et à faire de l’exercice même lorsque d’autres lutteuses abandonnaient le sport en cours de route.
Sambou a remporté de nombreuses victoires, elle a été cinq fois championne nationale de lutte féminine. Elle est également neuf fois médaillée d’or aux Championnats d’Afrique de lutte (AWC) chez les moins de 51 kilos en 2004, 2005, 2007, 2009, 2010, 2011 et 2013. Pour les moins de 53 kilos, elle a été médaillée d’or en 2014 et 2016. Toujours aux AWC, elle a été médaillée d’argent chez les moins de 56 kilos en 2001, moins de 51 kilos en 2006, moins de 48 kilos en 2012 et moins de 53 kilos en 2015. Elle a remporté le bronze en 2002 pour moins de 55 kilos. Elle a remporté le titre de lutte féminine de plage en 2009. Elle est allée aux Jeux olympiques et a terminé 4 e à Londres 2012 et 5 e à Rio 2016.
Elle a aussi été nommée «lutteuse africaine de la décennie» par la World Wrestling Union (WWU) en 2015. Une carrière tout simplement légendaire !
Sambou a relevé le défi auquel de nombreuses athlètes féminines sont confrontées; avoir à choisir entre la famille et sa passion. À 36 ans (en 2017), elle a été confrontée au choix de se préparer pour les J.O de Tokyo 2020 ou de fonder une famille. Son plan après sa retraite de la lutte est de devenir entraîneur et de propulser ainsi d’autres filles vers l’avant.
Et même si elle réfléchit à cette grande décision, elle continue d’avoir un impact positif en faisant partie du Super 8, une équipe de lutteurs qui a pour mission de promouvoir la lutte féminine dans le monde entier. Dans le cadre de cet effort, elle a organisé un tournoi de lutte entièrement féminin dans sa ville natale de Casamance. Dans sa ville natale, la communauté des femmes qui l’ont élevée l’honorent et la reconnaissent comme une héroïne et une dirigeante du plus haut niveau.
Ayant montré qu’il est possible d’aller aux JO, la manière la plus appropriée de terminer cet article est une citation de la reine de la lutte africaine elle-même:
«La lutte féminine est connue… mais pas très connue. Mais nous allons changer cela. Nous allons aider à le faire avancer et les petites filles derrière moi seront championnes du monde et championnes olympiques. Elles seront meilleures que nous et ça fait du bien. »