Cet homme a eu un vécu digne. Son histoire est susceptible de susciter une avalanche d’émotions contradictoires : fierté, rire, tristesse, colère, larme ou tout simplement un blanc, un vide…
Le commencement
Sa date de naissance complète n’est pas connue. Alors ce qu’on retient de lui est qu’il est venu au monde au Togo aux environs de 1948 mais n’y a pas passé la totalité de son enfance. Le Ghana, pays voisin est la terre qui l’aura vu grandir et conduit à la découverte de sa potentialité.
John s’est donc entraîné et perfectionné en boxe anglaise au Ghana où il a même évolué dans un club professionnel.
C’est bien nanti, avec un niveau non négligeable qu’il décide de se lancer dans une carrière en rentrant pour combattre au nom du Togo.
Sur les pas des grands de boxeurs célèbres
Citant Dick Tiger (ancien boxeur Nigérian), Sounkalo Bagayoko, Peter Mathebula etc., ces boxeurs champions d’Afrique connus, il est légitime de rêver d’avoir un destin similaire.
Et Kodjo Mensan a connu son heure de gloire à lui aussi. Faisant ses débuts avec de petites compétitions, il a réussi à se hisser au rang continental dans les années 1970 et 1980. Partout où son nom est cité, on dit de lui qu’il fut plusieurs fois champions d’Afrique. Une (1) fois ? Deux (2) fois ? Quatre (4) fois ou plus ? On ne saurait l’affirmer puisqu’il n’y a aucune information sûre consignée de cela.
Mais son titre de champion d’Afrique reste légitime. Pour l’homme qui a porté haut le nom du Togo en boxe, il est décrit comme pionnier dans cette discipline dans son pays.
Kpalongo est un boxeur évoluant dans la catégorie ‘’poids coq’’ correspondant à 51,709 et 53,525 kg.
Son plus grand chef-d’œuvre reste un combat qu’il mena pour concourir au titre de champion du monde.
Ce combat inédit se déroula le 10 Mars 1979 en Californie aux USA. Il avait pour adversaire le boxeur Mexicain Carlos Zárate qui aura vaincu Kpalongo sur un Knock-out. Un combat qui est probablement le seul de Kpalongo qui a été décemment filmé et où on peut le voir exprimer son grand talent. Il aura mis à mal Zarate dès le début du combat. Regardez par vous-même.
Un combat qui aura gravé le nom de Kodjo Mensan dans l’histoire du Noble art mais lui aura laissé un goût amer qu’il n’oubliera jamais.
Il est passé à côté de ce titre mais récolte donc le titre de vice-champion du monde en 1979.
Historiette sur son Pseudonyme
À vrai dire, notre ancien pugiliste est plus connu sous le pseudo Kpalongo que par sa véritable identité. Pourquoi l’appelle-t-on ainsi ?
‘’Kpalongo’’ ne vient pas de nulle part. Il s’agit d’une danse originaire du nord du Ghana qu’on peut découvrir aisément via internet et qui est pratiquée là-bas, en Côte d’Ivoire et même au Togo. Kodjo se serait vu attribuer ce surnom via ‘’sa gestuelle sur le ring’’ qui ressemblerait à cette danse. Aussi se ‘’plairait-il lui-même à dire qu’il danserait cette danse sur le ring’’.
Un vécu sombre et une fin désenchantante
Les apparences sont trompeuses dit-on ! Derrière la description d’une carrière jonchée de victoires, les dessous sont lamentables.
Quelles rémunérations ? Les combats de Kpalongo lui rapportaient d’insignifiantes récompenses financières qu’il serait honteux d’évoquer. Il existe un bien grand contraste entre le boxeur décrit plus haut qui effectue des voyages pour réaliser des combats continentaux et internationaux et l’homme qui suivra dans les prochaines lignes.
L’illustre pugiliste pour gagner sa vie n’était rien d’autre qu’un docker au port autonome de Lomé qui chargeait et déchargeait des navires pour gagner sa vie et pendre en charge sa famille. Son niveau de vie, je vous laisse le deviner…
Il est triste de dire que la plus grande réalisation de cet homme est la construction de sa demeure où il vécut avec sa famille. Réalisation qu’il fit uniquement grâce à son grand combat aux USA qui lui aura rapporté « 2 millions 300 mille F CFA ». Maison de laquelle il ne se vantait point, « où il ne pouvait avoir de quiétude en saison de pluie » et qu’il décrivait avec de piètres mots.
Quelles préparations avant combat ? Selon des informations rapportées via une interview avec lui, « Kpalongo était un sportif sans staff, sans suivi médical même avant son grand combat en Californie ». Cela est révoltant d’imaginer un sportif qui fait violence à son physique pour être à la hauteur, qui encaisse des coups de poings, qui dépense de l’énergie, être négligé, délaissé de la sorte. Comment lui en vouloir de ne pas avoir gagné ?
Les mauvaises expériences qu’il a eu à subir, il y en a plusieurs sûrement qu’on ne peut même identifier
Mais la dernière qui touche, c’est ce « sos », ce cri à l’aide lancé en 2016 (grâce à Togo Visions) par un vieil homme fatigué par la maladie, incapable de marcher, d’articuler ses mots, de se remémorer son passé, coulant des larmes comme un enfant mais qui malgré tout réussit à demander de l’aide aux dirigeants de son pays pour lequel il s’est sacrifié.
Pour lui et sa famille, il méritait certainement mieux. Hélas, ce cri a-t-il eu l’effet escompté ? S’agit-il là d’une ingratitude au plan national ?
C’est dans l’indigence, dans la misère que John Kodjo Mensan alias Kpalongo trépasse le 7 juin 2017 à environs 69 ans dans sa maison. Cet homme estimable à qui on ne rend pas un hommage pimpant ; de qui on ne retrouve qu’une vidéo de combat où il fut vaincu sur internet.
Sa progéniture
Kpalongo aurait laissé derrière lui plusieurs enfants. D’après une interview réalisée par Togo Visions, avec un de ses fils Kodjo Yaovi Aristide, on découvre que trois de ses enfants ont suivi ses pas dans la boxe.
La question c’est, ont-il subi le même sort que leur paternel ? Se sacrifier pour ensuite être jeté aux oubliettes ? Oui et non
Oui parce que pour Yaovi Aristide, son expérience fut négative. Ce dernier affirme avoir été boxeur amateur puis professionnel dans l’équipe nationale. Lui comme d’autres ont subi des injustices. S’entraînant sans relâche pour participer à des combats et attendant en vain une récompense. Ce dernier ne voulant point répéter ce cercle vicieux d’avance vécu par son géniteur, il mit fin à sa carrière. Selon lui, aujourd’hui, « il n’existe même plus de compétitions où les jeunes amateurs de boxe pourraient s’illustrer ».
Par contre, on peut être heureux de constater qu’un des fils de Kpalongo, honore son nom.
Bien qu’il ait eu aussi des débuts difficiles, Kodjo Daniel Sassou est un des fils de Kpalongo qui vit aujourd’hui en France et qui a effectué une carrière salutaire dans la boxe. A son actif, il a remporté aussi le titre de champion d’Afrique et une ceinture IBF internationale.
On peut à travers lui revoir rayonner Kpalongo. Il aura rêvé jusqu’au bout et aujourd’hui, on peut dire que cela n’a pas complètement été vain.